Alors qu’a priori rien ne le prédisposait à une telle malédiction, le roman-photo se trouve dans une impasse. On aurait pu penser le terreau favorable : grand pays de bande dessinée, grand pays du cinéma, la France aurait pu être grand pays de roman-photo. Pourquoi ce rendez-vous manqué ?
Extrait :
Dans une société où la surproduction est une branche fragile à laquelle l’industrie s’accroche pour ne pas voir le vide sous ses pieds, la frange artistique se trouve ensevelie sous l’avalanche des produits de divertissement : si les dictatures brûlent les livres, nos démocraties les noient.1
Cette situation n’est pas réjouissante, bien sûr, et les oiseaux de mauvais augure auront tôt fait de dire que l’emballement dans lequel se trouve l’industrie va probablement aboutir à son effondrement. Pourtant, pour détestable que soit ce système, on peut tout de même déplorer que le roman-photo en soit exclu. Toutes générations confondues, on n’arrive pas à dix artistes, le compte n’y est pas, les auteurs ont jeté l’éponge. Qui a envie de pratiquer un moyen d’expression noyé dans l’eau de rose ? Personne. Le roman-photo est un cas d’école : c’est à ma connaissance le seul moyen d’expression qui a été anéanti par son utilisation dévoyée au seul divertissement pur, sans autre but que de « détourner de l’essentiel », pas même un petit saupoudrage artistique ni un alibi éducatif, rien.
Il n’y a pas survécu.
L’encéphalogramme plat du roman-photo est-il synonyme de mort absolue ? Évidemment non, un moyen d’expression ne meurt pas, il attend son heure.